juillet 14, 2017


Extrait titré : Conscience de l'Etre essentiel et fin de la souffrance

Extrait du livre : Pratique de la Voie intérieure - de Karl Graf Dürckheim
Paru aux éditions du livre en 1968. Pages 13, 14.


La conscience du “Moi-je” brise l'unité de la vie, qui est au-delà de l'espace et du temps. II en résulte une dualité intérieure. D’une part, un monde « historique » : nos évènements de vie spatio-temporels accessibles à l'exploration et à la maitrise ; d’autre part un monde intérieur : l’Etre « essentiel » qui lui, se dérobe à toute compréhension rationnelle.

L’homme vit ainsi tendu entre deux  réalités. La première, sa réalité existentielle gouverné par le “petit moi-je”. Cette réalité le limite, le menace, le tente, l'appelle à servir dans des cadres bien organisés. La seconde, sa réalité « essentielle authentique » le Soi. Cette réalité se cache dans le secret de son Etre individuel authentique et lui fait parfois ressentir comme une nostalgie profonde. Cette réalité le « presse ». C’est elle qui cherche à le rendre conscient. C’est elle aussi qui, à travers tous les obstacles de l'existence, l’appelle pour l'amener au service du divin.
Pour affronter le monde, pour maitriser son existence, l’homme doit acquérir un premier savoir, celui concernant  les  conditions de son état existentiel. Pour devenir un homme complet, il doit aussi acquérir un autre savoir, celui concernant son Etre authentique. Car ce n'est qu'alors qu'il répondra, conscient et libre, à ses appels. Pourtant, en vertu de la loi de son développement, l'homme favorise d'abord les forces utiles à son pouvoir dans l'existence. C’est une prise de conscience rétrécie du monde. Il reste centré sur une seule volonté : subsister de façon raisonnable et heureuse dans cette vision du monde. Son Etre essentiel, lui, reste voilé.

L'homme est ignorant. Il ignore l’aspiration de son Etre authentique et le  sens  profond  de  sa  vie, qui  est  de manifester l'Etre divin dans l'existence. De l'accomplissement de cette mission dépendra son salut et son véritable bonheur. L'oubli de cette mission, son remplacement par le souci du bien-être existentiel, par la préoccupation de son activité dans le monde et de comment il va répondre aux valeurs du monde plonge l'homme dans une souffrance. Plus l'homme s'imagine avoir réussi, en s’adaptant, à maitriser sa vie extérieure, plus il pense ne rien avoir à se reprocher vis-à-vis du monde, et moins il peut, dans l'immédiat, comprendre la souffrance qui résulte de sa séparation avec son Etre authentique.

Lorsque la souffrance oblige l'homme à regarder enfin vers l'intérieur, à se  confronter avec son Etre, il se  rend compte alors qu'elle ne provient pas du monde, il comprend ce dont il s'agit. Si, à ce moment-là, il ne dévie pas, dans un désir de sécurité extérieure, s’il s'ouvre à la  voix intérieure, il peut brusquement se rendre compte qu'il « s'est manqué » dans son Etre essentiel. Alors il se rappellera peut-être avoir ressenti, à certaines heures, « quelque chose » d'une profondeur inouïe. Il se rappellera peut-être qu'à d'autres moments une conscience plus élevée l'avait appelé et qu'il n'avait pas obéi. Et ainsi se trouve-t-il devant un choix : s'esquiver de nouveau, en étouffant la voix intérieure et demeurer inchangé ; ou bien, amorcer un renouveau, en  suivant cet appel qui  résonne en lui.
Lorsque l'homme s'est ainsi éveille à l'appel  de son Etre essentiel et ne peut plus échapper à cet appel, il se trouve inévitablement tiraillé par les contradictions entre les besoins, les tâches, les tentations de l'existence et l'appel intérieur.

Le monde réclame ses droits, sans se soucier de la voix intérieure. L’Etre réclame les siens, sans se soucier des exigences de l'existence. Là réside l'origine des tensions entre les deux pôles de notre état d’être humain. Mais notre condition existentielle et notre appartenance à un Etre essentiel ne sont que les deux pôles d'un seul « Soi »qui tend vers une réalisation. C'est dans ce « Soi » que veut se manifester et se réaliser l'unité de la vie. 

Ainsi, s'agit-il, en définitive d’acquérir un « état d'être » dans lequel l'homme devient de plus en plus obéissant et ouvert à la voix et à la vocation de son Etre essentiel. Et en  même temps, de le manifester au sein de la vie et au sein de son oeuvre dans le monde. Cela signifie : vivre le quotidien comme « exercice ». C'est-à-dire non pas comme un entrainement à l'efficacité existentielle, mais comme exercice intérieur. Autrement dit, vivre le quotidien comme pratique de la Voie Intérieure.

Lecture du texte sur You Tube : https://www.youtube.com/watch?v=fUQCdPjuXjs